© François Goudier

On s’était dit qu’on se quitterait bien mais il est infiniment rare
qu’on se quitte bien car si on était bien, on ne se quitterait pas. Proust

Entreprendre une « thérapie de couple » ou « accompagnement de couple », terme que je préfère car on ne « guérit » pas un couple de lui-même mais on peut l’accompagner vers son épanouissement et son accomplissement, c’est une démarche qui peut sembler de prime abord difficile, voire absurde (comment quelqu’un pourrait-il nous aider à nous aimer encore ?), mais qui a montré et continue de montrer bien des résultats.

La renaissance d’un couple, basée sur le respect et une meilleure compréhension des désirs et limites de chacun, ce n’est pas un miracle, même si parfois le couple nouvellement soudé s’en étonne avant de s’en réjouir et de profiter pleinement de cette belle expérience et des acquis qu’ils ont su en tirer.

Deux êtres se rencontrent, ils s’éprennent l’un de l’autre, ils décident de poursuive l’aventure, de faire un bout de chemin ensemble, voire de confirmer leur union par un engagement mutuel dans le mariage et pourquoi pas, fonder une famille. Alors qu’ils s’adoraient au départ, à mi-chemin, ils en viennent à se supporter difficilement, à remettre en cause leur union et les bases de ce qui les liait. Les qualités qui au départ séduisaient deviennent à la longue des défauts qui semblent inamovibles et nocifs pour la relation : nous nous mettons en couple avec quelqu’un pour certaines raisons et nous nous en séparons pour les mêmes, pourrait-on dire.

Proust écrivait qu’en amour il est souvent « plus facile de renoncer à un sentiment que de perdre une habitude ». Et effectivement, les deux partenaires d’un couple se trouvent parfois à devoir choisir entre les deux et malheureusement au détriment de l’amour et du couple, l’un choisissant bien souvent pour l’autre de jeter l’éponge et de renoncer à leur union.

Si l’herbe est peut-être plus verte ailleurs (et dans ces situations on aimerait s’en convaincre !), il n’en demeure pas moins que les processus de répétition inconscients aboutiront par la suite aux mêmes scénarios de devoir choisir entre renoncer aux sentiments ou perdre ses habitudes issues précisément de la répétition inconsciente. Alors, garder et nourrir son sentiment, continuer d’aimer et de construire, tout en ne perdant pas ses habitudes et sans renoncer à ses propres valeurs, est-ce possible ?

La réponse est plus complexe qu’elle n’y paraît. Car un couple est en premier lieu l’aménagement et le développement conjoint de deux êtres qui ont chacun leur propre histoire, leurs propres mécanismes de fonctionnement, leurs centres d’intérêts parfois divergents, et aussi leurs propres failles ou traumatismes en partie liés à l’enfance qu’ils ont traversée avec plus ou moins de succès ou de difficultés.

Un des premiers constats que nous pouvons faire est que le couple n’est pas mais devient en permanence, évolue constamment, tout comme un être n’est jamais que lui-même tout en étant chaque jour un autre. Ainsi, et au début de la relation, les amants, tels deux bons navires, « reposaient côte à côte dans le même port, sous le soleil, si calmes qu’on eût dit qu’ils fussent déjà au but et n’eussent eu que la même destination ». Mais, par la suite, « tels deux navires dont chacun poursuit sa voie et son but propre » ajoute le philosophe Nietzsche dans le Gai Savoir, les amants s’éloignent l’un de l’autre, se perdent de vue, ne se retrouvent plus et ne s’y retrouvent plus dans ce qui constituait leur couple : « des mers et des soleils différents ont dût nous changer ! », se disent-ils à regrets…

Pourtant, la renaissance d’un couple, basée sur le respect et une meilleure compréhension des désirs et limites de chacun, ce n’est pas un miracle, même si parfois le couple nouvellement soudé s’en étonne avant de s’en réjouir et de profiter pleinement de cette belle expérience et des acquis qu’ils ont su en tirer.

           1+1= 3 : telle pourrait être la formule du couple.

Pour moi, sa formule serait plutôt 2+2=5, car le couple m’apparaît comme la rencontre de deux enfants et de deux adultes. Nous sommes toujours les enfants que nous avons été, et sommes devenus les adultes qui ont à donner du sens à leur existence.

Lorsque les deux enfants jouent ensemble, c’est un accord joyeux et créatif.

Lorsque les deux adultes discutent et partagent des moments ensemble, c’est un accord équilibré et sain.

Lorsqu’enfants et adultes se croisent, en respectant l’innocence et la spontanéité de l’enfant comme le sérieux et les responsabilités de l’adulte, c’est un accord harmonieux et vivant.

La motilité des quatre est essentielle pour la vie d’un couple, pour son épanouissement et sa construction. La maturité du couple, et sa vitalité, c’est « retrouver le sérieux que l’on mettait dans ses jeux, enfant » (Nietzsche).

Comment se déroule une thérapie de couple ?

Tout d’abord, nous convenons ensemble d’un premier rendez-vous d’une durée d’environ 1h15-1h30. Pendant cet entretien préliminaire, j’écoute et entends les dires de chacun, les problèmes qu’ils rencontrent et obstacles qu’ils soulèvent, et je mesure le désir partagé qu’ils ont de sortir de cette crise, ou parfois aussi le désir qu’ils peuvent avoir de « bien se séparer », notamment lorsqu’ils ont des enfants. Vous voyez qu’il s’agit donc davantage d’un « accompagnement » car la guérison n’est pas le but recherché. Ce qui est recherché, c’est ce vers quoi le couple veut tendre, ce à quoi il veut arriver. Et cela, seul le couple le sait, je ne le décide absolument pas. En revanche, je me mets, dans cette posture d’écoute active bienveillante, au service du couple pour l’accompagner dans ce cheminement qui lui est propre.

Après s’être entendus sur les attentes du couple, je propose un accompagnement sur six séances, indispensables à la prise en compte et à la résolution des principaux conflits. A l’issue de cette aventure, nous décidons ensemble d’interrompre notre travail en commun ou de le poursuivre afin de consolider les bases nouvellement créées, et renforcer les façons de communiquer sur et dans le couple.

A l’instar des individualités qui constituent l’union d’amour entre plusieurs personnes, le couple possède ses propres ressources. Mon accompagnement consiste alors à aider à révéler et rendre agissantes ces ressources précieuses, inconscientes le plus souvent, pour unir de nouveau les êtres qui s’étaient éloignés l’un de l’autre.

Cela vaut bien entendu pour les « trouples », c’est-à-dire les couples composés de trois personnes vivant souvent sous le même toit. Mais à la différence du couple « traditionnel », un trouple est déjà un petit groupe avec des alliances particulières entre eux, et des enjeux de pouvoir ou plutôt d’ascendance des uns sur les autres. L’une des personnes du trouple peut par exemple se sentir à l’écart des deux autres, si bien que le couple à 3 est quelquefois un composé de 2 + 1. Cela pose des problèmes importants quant à l’équilibre et à l’harmonie de leur vie commune. Rétablir cet équilibre et cette harmonie est, parmi d’autres, un enjeu récurrent dans ce type d’union amoureuse.

© François Goudier